PAR LA PORTE DE LA VERTU (SĪLA)
Les Patriarches du Bouddhisme Mahāyāna disaient souvent qu'il existait plus de 84 000 chemins de pratique, ce qui signifie qu'il existait d'innombrables portes pour entrer dans la maison de l'éveil. Aujourd'hui, essayons d'examiner l'une d'elles, la porte de la Vertu.
La Vertu (Sīla) ou les préceptes établis par le Bouddha sont rassemblés dans "La Corbeille de la Discipline" (Vinaya Pitaka), afin de rappeler aux laïcs, novices, moines et nonnes de ne pas commettre d'erreurs, dans le but de mener une vie pure, utile et harmonieuse dans la Sangha et dans la société.
Durant les premières années qui suivirent la fondation de la Sangha, les Bhikkhus possédèrent déjà des prédispositions innées aiguisées, ils atteignirent donc l'éveil très tôt, sans commettre de fautes. Il n’y avait donc pas besoin de règles. Au fil du temps, la Sangha se développait de plus en plus, composée des fois de moines ayant des capacités moyennes. Ceux-ci n’arrivaient pas encore à atteindre l'éveil. Beaucoup ayant commis des erreurs, le Bouddha, par compassion, a dû créer des préceptes qui sont des règles de conduite liées à la pensée, à la parole et à l'acte. Ces lois sont des dispositions destinées à réprimander les contrevenants.
Les préceptes occupent une place primordiale dans la pratique du bouddhisme.
La première étape sur le chemin de la pratique est de prendre refuge dans les Trois Joyaux (le Bouddha, le Dharma et la Sangha). En même temps, par respect envers ces Trois Joyaux, il faut faire le serment de respecter les Cinq Préceptes. Ce sont les 5 règles fondamentales de la vertu humaine pour être un bon mari, une bonne épouse, un bon enfant et un bon citoyen :
- Ne pas tuer d'êtres vivants
- Ne pas voler les biens d'autrui
- Ne pas commettre d'adultère
- Ne pas mentir
- Ne pas consommer d'alcool ou de substances addictives
Un autre pas important à franchir est de développer l’intention de devenir moine, de s'éloigner de son foyer et de rompre tous les liens affectifs avec le monde profane.
« La vie de foyer est contrainte, emplie de poussières. La vie sans foyer, c'est vivre au grand air. Il n'est pas facile de vivre dans un foyer et de pratiquer une vie de vertu, totalement parfaite, totalement pure, telle une conque polie. Et si, me rasant les cheveux et la barbe et revêtant l'ocre robe, je quittais la vie de foyer pour me lancer dans la vie sans foyer..." (Le long discours à Saccaka - Mahāsaccaka Sutta MN36)
Aux temps du Bouddha, les adultes devenaient moines ou nonnes dès qu'ils entraient dans la vie monastique. Plus tard, les Patriarches ont stipulé que tous les nouveaux moines ou moniales devaient d’abord observer un temps de novice avec 10 préceptes. Il s'agit d'une période de préparation et d'épreuves. Pour devenir officiellement moine ou moniale, il fallait suivre 250 préceptes du Bhikkhu ou 348 préceptes du Bhikkhuni. C'est à partir de ce moment que sera calculé l'âge monastique.
Nous réalisons à présent combien sont importants les préceptes pour les bouddhistes. Les préceptes permettent d’atteindre l’accomplissement de la qualité et la vertu humaines, de gommer les impuretés de l’esprit et d’atténuer le Soi égoïste et cupide qui constitue un obstacle à la progression.
Viennent ensuite les étapes plus détaillées de la pratique de la Vertu, selon Le grand discours à Assapoura (Maha Assapura sutta), dans le Majjhima Nikaya.
1. Repentir : c'est d'être effrayé de ses petites erreurs puis de se repentir et de décider de les laisser partir.
2. Maintenir un corps pur : sans imperfection, ni dissimulation. Maintenir une parole pure : sans tache, ni dissimulation. Maintenir un mental pur : sans tache, ni dissimulation. Maintenir une vie pure : sans tache, ni dissimulation.
3. Préserver ses sens : ne pas s'attacher à l'aspect général, ne pas s'attacher à l'aspect particulier lorsque les sens entrent en contact avec les objets.
4. Modérer son alimentation.
5. Avoir une présence éveillée : jour et nuit, ne pas laisser les pensées mauvaises ou malsaines surgir dans son esprit.
6. Etre en Pleine conscience : en marchant, en position debout, allongé ou assis, en parlant ou en étant silencieux, nous sommes clairement conscients.
7. Etre conscient que les 5 obstacles sont éliminés : Arrivés à ce stade, nous pouvons dire que les étapes de la Vertu sont franchies. Nous savons clairement que nous n'avons plus : l'avidité, la colère, la somnolence, la léthargie, l'excitation excessive, les remords et le doute. Les résultats obtenus sont les suivants :
- Le mental sait que la souffrance est terminée
- Le mental sait que le chemin de la pratique est ouvert et exempt d'obstacles
- Le mental est rempli de joie et d'allégresse
8. Les quatre niveaux de Samadhi apparaissent :
- D’après Le grand discours à Assapoura, l'esprit est plein de joie et de sérénité, "la joie vient de l'annihilation du désir et de la malveillance; il est encore accompagné de pensées". Ainsi, le premier niveau de méditation est atteint grâce au temps passé à cultiver la vertu pure. Plus aucune mauvaise pensée ne surgit dans l'esprit. Les paroles et les actions deviennent également pures et honnêtes. Avoir encore des pensées signifie que nous continuons à réfléchir, à raisonner, à distinguer le bien et le mal, mais nous maîtrisons nos pensées. Si nous avons besoin de penser, alors nous réfléchissons, s’il faut se taire, alors nous taisons.
- Lorsque le Bhikkhu met fin aux murmures et aux dialogues mentaux, il avance vers le deuxième niveau de méditation, avec "un état de joie et de plénitude résultant du Samadhi, sans murmures mentaux et un mental unifié silencieux". Pourquoi le Bhikkhu a-t-il pu éliminer ses murmures mentaux aussi facilement ? Quant à nous, nous continuons sans arrêt à ruminer nos pensées ? La réponse est claire : le moine a coupé tous les liens d'affection qui ligotent son esprit : la famille, les proches, les amis, la société. Alors que nous continuons à penser, à nous souvenir, à nous inquiéter pour nos proches, pour nos connaissances, nos devoirs envers la famille, la société, etc.
- À partir d'ici, continuons à avancer : "en quittant la joie et en demeurant dans l'équanimité, l'esprit ressent la sensation d'allégresse que les saints appellent un détachement serein. Nous atteignons et demeurons dans le troisième niveau de méditation". Bien qu'il s'agit de "*quitter la joie et demeurer dans l'équanimité", en réalité, il s'agit simplement de s'éloigner de la joie, sans rester véritablement dans l'équanimité. Ce n’est qu'une transition : nous savons clairement que l’esprit est serein mais réellement il repose encore sur la sensation de joie.
- Et enfin, nous maîtrisons complètement nos sensations: "abandonner le bonheur et la souffrance, supprimer la joie et le chagrin ressentis auparavant, atteindre et rester dans le Quatrième niveau de Méditation, sans souffrance ni plaisir, avec un mental pur." Ceci est vraiment l'état d'équanimité, entièrement serein et égalitaire.
Ainsi les quatre niveaux de Samadhi sont le résultat naturel d’un mental pleinement vertueux et pur.
9. La Triple Connaissance:
“Avec un mental ainsi unifié, purifié, immaculé, sans tache, dénué de souillure, malléable, maniable, stable, imperturbable, le bhikkhu dirige son esprit vers :
- La Reconnaissance de toutes les vies antérieures
- La Compréhension de la loi d’interdépendance
- L'Extinction de toutes les impuretés ou souillures”
À ce stade, la Sagesse Prajna surgit spontanément, révélant ainsi toutes les choses complètement nouvelles, qui étaient auparavant inconnues.
A travers Le grand discours à Assapoura, nous voyons que le Bouddha a organisé les étapes de la pratique selon une hiérarchie claire, basée sur sa propre expérience pour enseigner aux moines et aux disciples possédant une capacité moyenne. Il nécessite une longue période de pratique de la Vertu pour atteindre l’accomplissement final qui est une vie vertueuse, digne des saints, ainsi que le développement de la sagesse transcendante.
Les personnes de capacité moyenne doivent passer par des Préceptes pour atteindre le Samadhi et enfin la Sagesse. Il s’agit d’une voie de pratique progressive et courante pour la majorité des bouddhistes.
Le Bouddha lui-même a enduré 6 ans d'ascèse dans la forêt profonde, abandonnant tous les désirs de richesse, de beauté, de renommée, de gourmandise et de sommeil, afin de ne plus être avide, colérique, léthargique, agité, dubitatif. Et, avec un mental clair, courageux, patient, diligent et fort, le Bouddha « a clairement compris le chemin du Dharma » lors de sa réalisation ultérieure de la Triple Connaissance et de la Coproduction conditionnée :
- Le Bouddha réalisa tout d'abord son propre mental, ce à quoi il ressemblait. Il était très difficile de le décrire car c'est "Atakkāvacara" (au-delà de la réflexion, au-delà des mots). Ce mental peut être présenté approximativement comme "un mental unifié, purifié, immaculé, sans tache, dénué de souillure, malléable, maniable, stable, imperturbable". Le Bouddha l'appela plus tard le Mental Ainsi ("Such Mind" / Citta Tathā). Et c’est parce qu’il atteignit l'éveil à travers le Mental Ainsi que le Bouddha se nomma Tathāgata (Ainsi-Parti/Ainsi-Venu).
- Le Bouddha réalisa qu'il eut lui-même d'innombrables vies antérieures.
- Tous les humains avaient également vécu d'innombrables vies, dont chacune est le résultat de la vie précédente, c'est-à-dire qu'il existe une relation de cause à effet entre elles.
- La cause principale provient des impuretés, des attachements qui ne peuvent être abandonnées, qui font que les gens pensent, parlent et agissent, créant ainsi des conséquences karmiques, les faisant renaître continuellement.
- À partir de là, le Bouddha a établi les Quatre Nobles Vérités pour enseigner à ses disciples. Le Noble Octuple Sentier est aussi le chemin de la Vertu - du Samadhi - de la Sagesse.
- D'après sa propre expérience, le Bouddha a clairement indiqué dans Le grand discours à Assapoura qu'il faudrait commencer par la Vertu pour atteindre le Samadhi et la Sagesse.
- A travers ce petit examen, nous pouvons aussi reconnaître le caractère empirique du bouddhisme : le Bouddha lui-même a expérimenté le chemin pour purifier l'esprit et développer la sagesse. Tous ceux qui pratiquent correctement le même chemin obtiendront le même résultat.
10. L’état d’Arahant
“Ô, Bhikkhus, comment un bhikkhu est-il appelé un arahant? C’est un bhikkhu qui arrive à rester loin des états mentaux mauvais, désavantageux, impurs, qui mènent à la continuation de l'existence, qui apportent des difficultés, qui ont le mal-être pour résultat, qui produisent la naissance, la vieillesse et la mort dans le futur. Voici, Bhikkhus, comment un bhikkhu est appelé un arahant.”
Ceci est la conclusion du grand discours à Assapoura : Ceux qui méritent d'être appelés Bhikkhus, Samanas, Brahmanes, Saints, Arahants, sont ceux qui se sont éloignés, ont lavé et éliminé tous les états mentaux mauvais et impurs...
Aujourd’hui, je voudrais envoyer à mes chers méditants un trousseau de clés dorées qui, insérées dans la serrure de l’Esprit, permet d'ouvrir la porte de la Vertu pour entrer progressivement dans la Voie du Bouddha.
Au monastère Sunyata, 1- 8- 2023
TN
SOURCE : Triệt Như - Tiếng Hát Giữa Trời - BÀI 37 TỪ CỔNG GIỚI
Traduit par Nhất Hòa, relu par Hồng Thuý
Auteur : Triệt Như
Publié le : 17-01-2024 - 17:16